Par Ian Urbina (The Outlaw Ocean Project) Publié aujourd’hui à 16h25, modifié à 17h20
Par un matin nuageux d’avril, plus de 80 hommes et femmes, vêtus des mêmes coupe-vent rouges, se tiennent en rangs ordonnés devant la gare de Kachgar, dans la région chinoise du Xinjiang. Ces hommes et ces femmes sont des Ouïgours, une des plus importantes minorités ethniques de Chine. Des valises à leurs pieds, le visage dur, ils regardent la cérémonie de départ organisée en leur honneur par les autorités locales. Sur une vidéo de l’événement, une femme en robe traditionnelle rouge et jaune, coiffée d’une doppa, le chapeau traditionnel ouïgour, virevolte sur scène. Une banderole annonce le programme : « Promouvoir l’emploi de masse et construire l’harmonie sociale. » A la fin de la vidéo, des images prises par drone dézooment sur les trains qui attendent de les emmener.
Ces festivités font partie d’un immense programme de transfert de main-d’œuvre organisé par l’Etat chinois, qui envoie des Ouïgours travailler dans tout le pays, notamment dans des usines de transformation de produits de la mer, lesquels sont ensuite exportés vers les Etats-Unis et l’Europe. « C’est une stratégie de contrôle et d’assimilation, résume l’anthropologue Adrian Zenz, spécialiste des mesures d’internement au Xinjiang. Une stratégie conçue pour rayer de la carte la culture ouïgoure. »
Ce programme de travail s’inscrit dans un projet plus large visant à soumettre ce peuple historiquement rétif. La Chine est dominée par le groupe ethnique des Han, mais plus de la moitié de la population du Xinjiang, une région sans accès à la mer, dans l’extrême nord-ouest du pays, se compose de minorités – pour la plupart des Ouïgours, mais aussi des Kirghiz, des Tadjiks, des Kazakhs, des Hui et des Mongols. Lire la suite.