Contre le blanchiment, la Suisse invente le procès-minute
Le Point.fr - Publié le 29/01/2013 à 17:17 - Modifié le 29/01/2013 à 22:14
Le démantèlement retentissant d’un réseau franco-suisse de blanchiment d’argent s’achève en catimini. La place financière genevoise respire.
De notre correspondant à Genève, Ian Hamel
Meyer Elmaleh, 48 ans, directeur de la société de gestion de fortune GPF SA à Genève, vient d’écoper de trois ans de détention, dont six mois ferme. Il devrait sortir dans quelques semaines. Son frère Nessim, 38 ans, qui travaillait à la HSBC Private Bank à Genève, n’a été condamné qu’à deux ans avec sursis. Il a été libéré juste avant Noël en versant une caution de deux millions de francs suisses (1,6 million d’euros).
Ainsi se termine en Suisse, presque en catimini, une affaire baptisée Virus, qui a pourtant fait grand bruit lors de l’interpellation par des policiers français et suisses de 21 personnes, dont 17 dans l’Hexagone, le 11 octobre 2012. Un réseau, implanté au Maroc, en France et en Suisse, se livrait à la fois au trafic de drogue et au blanchiment d’argent, tout en aidant des notables parisiens adeptes de la fraude fiscale.
L’argent du cannabis était remis en cash, souvent en petites coupures, à des personnes possédant des comptes en Suisse non déclarés. Ensuite, en contrepartie, les comptes à Genève de ces mêmes nantis sont débités des montants correspondants. Les sommes sont ensuite transférées à des ressortissants marocains, vraisemblablement liés au trafic de drogue. La boucle est bouclée.
[…] Mis en examen, au départ, pour « blanchiment en bande et par métier, infraction à la loi sur les stupéfiants et faux dans les titres », les deux frères admettent avoir mis sur pied un système de compensation, mais ils jurent ne pas connaître la provenance des billets en petites coupures remis à Paris à des notables. Ou plutôt, ils croient savoir que ce serait de l’argent gagné au noir par de petits épiciers marocains de Paris…
Face au scandale, la place financière suisse joue aussitôt les vierges outragées. Bernard Droux, le président de Genève Place Financière, se déclare « surpris », assurant que le blanchiment "est une pratique interdite par la loi depuis 20 ou 30 ans au moins. Et la Suisse a été à l’avant-garde de la lutte en la matière."
Une audience de… 6 minutes !
[…] Face à ces dossiers particulièrement complexes, qui peuvent réclamer des années d’enquête, et dont l’issue reste incertaine, la justice genevoise a introduit récemment la procédure simplifiée. Inspirée du droit américain, elle permet à l’accusation et à la défense de s’entendre, au stade de l’enquête, sur une peine. Ce qui a permis au quotidien genevois Le Temps de titrer début janvier qu’une solution négociée était « en vue pour deux financiers genevois ».
L’audience, lundi, n’a duré que six minutes. Lire la suite sur le site du magazine Le Point.