Décryptage
Devoir de vigilance : baptême du feu pour cette loi qui bouscule les pratiques
La première audience fondée sur cette loi a opposé plusieurs associations à TotalEnergies et le verdict sera rendu le 28 février. Ce « devoir de vigilance » des entreprises vise à détecter et prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement. Mais ce nouveau droit peut-il faire émerger un « capitalisme plus responsable » comme le souhaitent ses défenseurs ?
Par Mathilde Golla Publié le 7 déc. 2022 à 14:23
La loi sur le « devoir de vigilance » débarque au tribunal ce mercredi avec l’intention de doter les grandes entreprises de nouveaux droits et devoirs. La première audience fondée sur cette loi de 2017 a opposé plusieurs associations, dont Les amis de la Terre, à TotalEnergies et le verdict est attendu pour le 28 février. En cause, deux méga projets de TotalEnergies en Ouganda et Tanzanie : le forage de 426 puits de pétrole, nommé Tilenga, et un oléoduc de 1.443 km, connu sous le nom de East Africa Crude Oil Projet (Eacop).
[…] Cette exigence est nouvelle dans le droit français, tout comme l’esprit de cette loi. Au point que les juristes du tribunal de Paris chargés de juger l’affaire ont demandé à trois « Amici curiae », des universitaires dont les travaux portent sur ce sujet, de venir les éclairer. « Une démarche rare », concède Marie-Anne Frison-Roche, professeur de droit de la régulation et de la compliance (conformité), sollicitée par le tribunal de Paris. Cela illustre, si besoin était, que cette nouvelle loi bouscule le droit français.
« Le devoir de vigilance est une application du droit anglo-saxon de compliance, ce n’est pas courant en droit français, c’est même tout nouveau pour les juristes », indique Marie-Anne Frison-Roche. La particularité de ce droit est qu’il n’intervient pas ex post (après les faits) comme le droit classique pour réprimer un comportement ou réparer un dommage mais ex ante (au préalable). « Avec cette loi, on demande aux entreprises de détecter et de prévenir les dommages systémiques », indique la juriste. « C’est mieux de faire en sorte que les enfants ne meurent pas plutôt que d’obtenir réparation après leur décès ! », lance Marie-Anne Frison-Roche. Lire la suite.