TotalEnergies en Russie : il faut cesser de fermer les yeux
Éditorial Le Monde
Le géant pétrolier français coexploite en Russie un gisement dont le produit, transformé en kérosène, ravitaille des bombardiers russes. Notre enquête pose avec gravité la question du maintien de ses activités dans ce pays engagé dans une guerre inique contre l’Ukraine.
Publié aujourd’hui à 12h05
Difficile de trouver un produit plus stratégique que le carburant dans une guerre. Moins que quiconque, les dirigeants du géant pétrolier français TotalEnergies ne peuvent l’ignorer. Or, en détenant une part du gisement de Termokarstovoïe, d’où est extrait un hydrocarbure liquide qui, transformé en kérosène, sert à ravitailler des avions de combat russes engagés dans la guerre contre l’Ukraine, ils s’exposent à une terrible accusation : aider Moscou dans l’agression armée qui, depuis six mois, transforme une partie de l’Europe en zone de mort et de désolation et menace l’intégrité d’un Etat souverain.
L’enquête du Monde met en évidence la chaîne d’approvisionnement menant des gisements pétroliers de Sibérie exploités par la société Terneftegaz, détenue à 49 % par TotalEnergies, aux bases aériennes d’où sont partis les avions de combat Soukhoï qui, au début du conflit, ont bombardé Marioupol, et continuent de pilonner la ville de Kharkiv. Des avions mis en cause dans le bombardement du théâtre de Marioupol qui, le 16 mars, a causé la mort de quelque 600 personnes.
[…] Pourtant, comment une grande entreprise française qui se proclame « citoyenne » et prétend souscrire aux engagements des Nations unies en matière de droits humains a-t-elle pu poursuivre ses livraisons de condensat de gaz transformable en kérosène après le déclenchement de l’agression contre l’Ukraine, le 24 février ? Comment ses dirigeants peuvent-ils soutenir qu’ils ne sont pour rien dans la transformation du condensat de gaz, alors qu’ils possèdent 19 % de la société Novatek, qui détient l’usine où elle est opérée ? Comment peuvent-ils affirmer que Novatek n’est pas liée à l’Etat russe, alors que l’un de ses principaux actionnaires est un familier de Vladimir Poutine visé par les sanctions occidentales ? Lire la suite.