Les Décodeurs Transports
Qui sont les propriétaires de jets en France ?
« Le Monde » a identifié les propriétaires et opérateurs des près de trois cents avions d’affaires immatriculés dans l’Hexagone.
Par Manon Romain, Léa Sanchez et Raphaëlle Aubert Publié le 17 octobre 2022 à 06h00, mis à jour hier à 10h50
Depuis le 1er septembre, le jet de Bernard Arnault a disparu du registre français des immatriculations. Le Bombardier 7500 F-GVMA appartenant au milliardaire était suivi à la trace sur Twitter par les comptes @laviondebernard et @iflybernard, qui l’ont érigé en symbole de la pollution engendrée par les plus riches. Le patron de LVMH a, semble-t-il, vendu son biréacteur d’affaires, qui n’a réapparu depuis que pour un unique vol Londres-Munich, le 22 septembre, pour le compte de K5 Aviation, une entreprise d’aviation privée allemande. M. Arnault n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde.
Le flight tracking, suivi en temps réel des trajets aériens via des applications comme Flightradar, est devenu une discipline prisée en 2022, pour dénoncer le bilan carbone désastreux des jets privés, à travers quelques cas emblématiques, comme le jet de Bernard Arnault ou celui de l’entreprise pétrolière TotalEnergies. Mais au-delà de ces deux exemples, qui sont les propriétaires de jets en France ? Le Monde a cherché à dresser un portrait-robot des détenteurs ou opérateurs d’avions d’affaires à réaction ou à turbopropulseur immatriculés dans l’Hexagone. Bien que de nombreuses informations soient publiques, l’exercice est complexe, tant le secteur cultive la discrétion.
La direction générale de l’aviation civile donne accès librement en ligne au registre des immatriculations françaises de tous les aéronefs, de l’hélicoptère au Boeing 777, en passant par toutes sortes d’avions privés, hydravions, etc. Chaque immatriculation y est liée à un modèle d’avion et à un propriétaire.
Environ 300 avions, dont au moins 16 ne volent plus
Pour identifier les jets, nous avons sélectionné les modèles pertinents grâce à la segmentation utilisée par l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, puis en analysant les flottes des grandes compagnies de voyages d’affaires. On aboutit à environ trois cents avions d’affaires. Des recherches plus approfondies ont permis d’écarter au moins seize appareils endommagés ou détruits. Ainsi, le registre comprend encore l’avion F-GDHR qui, dans un crash en février 1987, avait emporté avec lui onze passagers, dont l’homme politique Michel Baroin, père de François Baroin.
La deuxième étape consistait à identifier les propriétaires (particuliers ou entreprises), grâce aux registres des bénéficiaires effectifs des différents pays européens, principalement en France et au Luxembourg. En effet, certains propriétaires détiennent leur jet à travers des sociétés étrangères : treize jets français sont officiellement la propriété de sociétés luxembourgeoises, quatre autres passent par la Belgique et deux par les îles Vierges britanniques. Des montages qui n’ont rien d’illégal, souvent réalisés pour profiter de règles fiscales ou répondre à la demande de discrétion des propriétaires. Lire la suite.