La justice à cheval sur des principes douteux

Mardi 10 octobre 2006 — Dernier ajout samedi 12 mai 2007

La justice à cheval sur des principes douteux

Actionnaires et maisons mères échappent souvent à l’extension des poursuites.

Par Renaud LECADRE

QUOTIDIEN : Mardi 10 octobre 2006 - 06:00

Juridiquement imparable, la décision de la Cour de cassation est économiquement douteuse. Elle s’arc-boute sur le subtil distinguo entre les différentes personnes morales, affirmant, à propos de la SDBO, filiale du Crédit lyonnais, « qu’il n’est pas prétendu qu’elle aurait été fictive ni que son patrimoine se serait confondu avec celui de sa maison mère » .

C’est, une nouvelle fois, la porte ouverte aux manigances de groupes, la main droite faisant semblant d’ignorer ce que fait la main gauche.

La Cour de cassation a au moins le mérite de la constance : en avril 2005, elle annulait l’extension de la procédure ­ visant initialement Metaleurop Nord après la fermeture abrupte de son usine de Noyelles-Godault (Pas-de-Calais) ­ à la maison mère Metaleurop SA, ou encore à son principal actionnaire, le suisse Glencore.

Au nom de « l’étanchéité » des structures, même si elles font partie d’un même ensemble. Jean-Charles Corbet, ancien repreneur d’Air Lib, a lui aussi profité de cette « non-confusion » des patrimoines et des structures, doctrine érigée au plus haut niveau : il avait logé dans des coquilles basées dans des paradis fiscaux (Irlande, Pays-Bas et Luxembourg) une partie des fonds (15 millions d’euros sur 150) versés par Swissair, ancien propriétaire soucieux d’assurer l’avenir de la compagnie aérienne. Quand Air Lib a fait faillite, le tribunal de commerce n’a pas pu remonter aux cagnottes de Corbet.

Mais ce fétichisme de la personne morale ne vaut qu’au sein de la justice civile, en matière de contrats. Au pénal, les juges ont moins de scrupules à désosser les organigrammes et à remonter les échelles de responsabilité.

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