« Les Mulliez, un cas emblématique de l’exil fiscal en Belgique »
Jeudi 8 Octobre 2020 Cyprien Boganda
Pour faire grandir leur fortune, les propriétaires d’Auchan sont aussi devenus experts en optimisation fiscale et ont franchi la frontière. Entretien.
Marco Van Hees Député du PTB, spécialiste des questions fiscales
Pourquoi vous êtes-vous penché sur les Mulliez ?
Marco Van Hees Cela fait des années que je travaille sur les grandes fortunes présentes en Belgique. Pour les exilés fiscaux français, c’est une destination particulièrement prisée, quasiment au même titre que la Suisse. Et les Mulliez sont le cas le plus emblématique des exilés français présents sur notre sol. Ils y vivent depuis plusieurs décennies.
Où se trouvent-ils exactement ?
Marco Van Hees Ils habitent rue Reine-Astrid, à Néchin, juste à côté de la frontière. Cette rue a même été rebaptisée « avenue des Mulliez » par les habitants du coin ! Pour la petite histoire, tous les Mulliez logent au côté pair de la rue, pour profiter de l’exposition plein Sud… En mai 2019, nous avions mené une action commune avec le PCF dans la ville, pour braquer les projecteurs sur cette situation. J’ai eu l’occasion de discuter avec le maire socialiste de la commune, il s’accommode visiblement très bien de leur présence.
Quel est pour eux l’intérêt d’habiter là-bas ?
Marco Van Hees Au départ, il s’agissait d’échapper à l’impôt sur la fortune (ISF) et à la taxation des plus-values financières. La suppression de l’ISF chez vous n’a pas entamé l’attractivité de notre pays pour autant : il est toujours très utile d’habiter en Belgique pour échapper à toutes sortes de taxes. Par exemple, les holdings bénéficient d’un traitement de choix : sauf exception, on ne taxe pas les plus-values sur actions, qu’elles soient détenues par des personnes physiques ou des sociétés. Nous disposons également du système des RDT, c’est-à-dire les revenus définitivement taxés, qui est une déclinaison belge du régime mère-fille : lorsqu’une société reverse des dividendes à sa maison mère, ce n’est pas taxé. Même chose pour les plus-values en cas de revente de participations. Patrick Mulliez, frère du fondateur de l’enseigne, détient une holding ici. Il y a quelques années, elle avait réalisé 373 millions d’euros de bénéfices, pour un impôt de… 2 euros ! La plupart du temps, le chiffre est de zéro. Lire la suite.