Les ravages de la corruption
L’Express du 19/10/2006
Corruption internationale
Par Laurent Chabrun, Gilles Gaetner, Eric Pelletier, Jean-Marie Pontaut, Alla Chevelkina
Un témoin se met à table
Attention, secret défense ! Tous les spécialistes le savent, les marchés les plus sensibles - et les plus rentables - concernent les ventes à l’étranger, et particulièrement celles qui touchent à l’armement. Un secteur où l’usage de la « commission » est toujours pratique courante et avive tous les appétits.
Ainsi, les juges Françoise Desset et Renaud Van Ruymbeke enquêtent, à Paris, sur une affaire à tiroirs qui a connu, depuis, de nombreux rebondissements à l’étranger.
Tout démarre au début de 2005 par l’incarcération, à Nice, de Michel Josserand, responsable de Thec, une filiale de la puissante société Thales (anciennement Thomson). Impliqué dans une affaire de corruption liée au marché du tramway dans la ville fleurie, Josserand n’hésite pas à révéler qu’existaient d’autres filières de ce type. En France, bien sûr, mais également à l’étranger. Un véritable catalogue de la fraude. Autant de déclarations fracassantes qui donnent lieu à de nombreuses investigations, notamment en Argentine, où l’ex-président Carlos Menem apparaît en première ligne.
Actuellement, un autre dossier, dénoncé par Josserand, fait grand bruit en Inde. Témoin, une commission parlementaire constituée à New Delhi, chargée de faire la lumière sur cette histoire. En France, Michel Josserand raconte avoir assisté, en juin 2002, à l’occasion de la finale du championnat de France de rugby, dans une loge du Stade de France, à un dialogue « édifiant, entre le responsable de Thales international et un haut cadre de la Direction générale de l’armement (DGA). » La conversation, toujours selon Josserand, a porté sur le projet de construction d’une usine de retraitement de matériel militaire datant de de la Première Guerre mondiale, installée dans la Marne. Une usine, à en croire encore Josserand, qui aurait pu servir à d’autres usages, par exemple, la destruction d’armes chimiques.
Le responsable de la DGA aurait demandé une baisse du marché de 20 millions de francs. Chez Thales, on nie farouchement l’existence de telles pratiques. Mais Josserand en rajoute. Affirmant que Thales, grâce à l’aide d’un intermédiaire, un certain Gérard B., savait tout des appels d’offres. Comme il savait tout des faiblesses des concurrents du groupe.
L’enquête sur cet « intermédiaire miracle » menée par la Brigade centrale de lutte contre la corruption - une équipe spécialisée de la Direction centrale de la PJ - apparaît très instructive. Gérard B., ancien technicien en électronique, qui pratique le lobbying militaire, a en effet engagé récemment, dans sa petite société de communication, 4 militaires de haut rang à la retraite, 3 généraux et 1 amiral, payés 6 500 euros chacun par mois, un copieux complément de retraite…
L’intermédiaire ayant lui-même amassé une confortable fortune.
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