Englué dans l’affaire des frégates de Taïwan, le juge lance une nouvelle instruction.
Van Ruymbeke refait surface avec des sous-marins
Par Renaud LECADRE
QUOTIDIEN : lundi 14 mai 2007
Renaud Van Ruymbeke ne renonce pas à traquer les commissions dans l’industrie d’armement. Englué dans l’affaire des frégates de Taïwan, le juge d’instruction tente de démentir son surnom moqueur « VR », pour « vaines recherches » en s’attaquant à l’exportation de sous-marins par DCN (ancienne Direction des chantiers navals, aujourd’hui mariée avec Thales). En février, il a perquisitionné les locaux de sa branche internationale, DCNI, gestionnaire des commissions à l’exportation, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour corruption d’agents publics étrangers.
Impasse. Les nouvelles normes anticorruption de l’OCDE facilitent la tâche des enquêteurs. Le simple versement d’une commission suspecte suffit à enclencher des poursuites.
Avant leur adoption, seules d’éventuelles rétrocommissions bénéficiant à des décideurs français étaient pénalement répréhensibles. C’est toute l’impasse du vieux dossier des frégates : 500 millions de dollars ont été retrouvés puis bloqués sur les comptes suisses d’Andrew Wang, intermédiaire attitré des marchands de canons en Asie ; mais à part deux modestes reversements (à un capitaine taïwanais aujourd’hui en prison et à un intermédiaire français pour prix d’un faux passeport), rien… Dans l’affaire DCNI, une facture attire l’attention. Sous couvert d’« intelligence économique », elle pourrait n’être qu’un prétexte à commission, en marge de la vente de sous-marins (coproduits par DCN et Thales) en Inde ou au Pakistan.
Polémique. En Inde, la vente, en 2005, de six engins, baptisés Scorpene, équipés de 36 missiles Exocet, pour 2,3 milliards d’euros, est « le plus gros contrat export signé par la France ces dernières années », se félicite Thales (qui doit encaisser la moitié de la somme, le solde revenant à DCN et un industriel espagnol). Dans le sous-continent, cette vente fait depuis un an l’objet d’une polémique politique ( Libération du 22 mars 2006). L’opposition parlementaire, relayant la presse indienne, dénonce une commission occulte versée à des intermédiaires. Pour preuve, un mail de la direction de Thales au fils d’un ancien sénateur du Parti du congrès (majoritaire en Inde), qui « confirme l’accord pour paiement de 4 % sur le prix du contrat des Scorpène ». Mais Thales affirme qu’il s’agit d’un document fabriqué au nom de Dieu sait quelle cause, et a immédiatement porté plainte pour faux. En marge, trois officiers de marine ont été évincés : membres du « conseil de guerre » de l’armée indienne, ils auraient transmis des dossiers classés secret défense, notamment à un proche de l’intermédiaire visé dans le vrai faux mail…
Ornière. Van Ruymbeke tente de sortir par le haut de l’ornière Clearstream. Pour avoir reçu des mains de Jean-Louis Gergorin les faux listings bancaires, en acceptant que son identité soit dissimulée sous forme de courrier anonyme, il a été entendu en fin de semaine dernière par un juge rapporteur du Conseil supérieur de la magistrature. Après avoir été lavé de tout soupçon par le président de la cour d’appel de Paris, il ne lui reste plus qu’à affronter la procédure disciplinaire du CSM, initiée par le garde des Sceaux. En attendant, tel Sisyphe, il se contente d’instruire, encore et toujours.
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