Branche luxembourgeoise
30 janvier 2014 16:29 ; Act : 30.01.2014 17:12
Trois ex-cadres de Landsbanki mis en examen
Trois anciens cadres de la filiale luxembourgeoise de la banque islandaise ont été mis en examen à Paris pour escroquerie, dans l’enquête sur des prêts hypothécaires accordés avant la crise.
L’information judiciaire a été ouverte en 2009 après des plaintes de particuliers victimes de ce produit financier controversé, parmi lesquels le chanteur Enrico Macias. Saisi de l’enquête, le juge Renaud van Ruymbeke a déjà mis en examen en 2011 la filiale luxembourgeoise en faillite pour « escroquerie » et « défaut d’agrément ». Le juge l’a placée sous contrôle judiciaire avec obligation de verser une caution de 50 millions d’euros, un montant record en France. Ce sont désormais les hommes qui ont commercialisé cet emprunt qui sont visés, dans un dossier à l’origine d’un bras de fer entre les justices française et luxembourgeoise.
Ces dernières semaines, M. van Ruymbeke a prononcé les mises en examen pour « escroquerie » de trois anciens cadres de la banque : Torben Bjerregaard Jensen, de nationalité danoise, Olle Lindfors, un Suédois, et Vincent Failly, un Belge, selon la source proche du dossier. En manque de liquidités, la Landsbanki a proposé via sa filiale au Luxembourg de 2006 à 2008 à des particuliers d’hypothéquer leur maison en contrepartie de prêts avantageux. Le montage, complexe, impliquait que l’emprunteur reçoive une partie de la somme, tandis que la banque réinvestissait le reste sur les marchés. La valeur de ce portefeuille devait grossir au point de couvrir l’intégralité de l’emprunt, qui n’était remboursable qu’à son terme. « Dans ce schéma, la banque n’était jamais perdante », a estimé une autre source proche du dossier, chiffrant cette escroquerie à plusieurs dizaines de millions d’euros. « Si ça tournait bien, tout le monde y gagnait. Si ça tournait mal, la banque récupérait une maison ». Devant le juge, les trois mis en examen ont contesté que la Landsbanki Luxembourg ait pu promettre aux clients que la rentabilité des placements couvrirait la totalité des remboursements, selon une source proche de l’enquête.
Saisie des créances
Plusieurs centaines de particuliers, notamment dans le sud de la France, en Espagne ou au Portugal, avaient souscrit ce prêt. Mais dans la foulée de la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers en septembre 2008, plusieurs banques islandaises s’étaient effondrées, dont la Landsbanki qui fut nationalisée en urgence. Conséquence de la crise, les placements proposés par Landsbanki Luxembourg ont perdu la majeure partie de leur valeur. D’autant que certains de ces placements n’étaient autres que des obligations de la maison mère. À charge dès lors pour les souscripteurs de trouver d’autres moyens de rembourser leur emprunt.
D’où les plaintes déposées pour escroquerie par ces particuliers, dont certains ont été ruinés. Ils accusent la banque d’avoir sciemment proposé le montage financier sans vérifier les capacités de remboursement des clients. L’affaire se joue aussi au Luxembourg. En faillite, la filiale de la Landsbanki a assigné ses souscripteurs devant la justice du Grand-Duché pour faire exécuter la garantie des emprunts - faire vendre les maisons hypothéquées - pour pouvoir rembourser ses propres créanciers, au premier rang desquels la Banque centrale du Luxembourg. Début 2012, la justice luxembourgeoise s’est opposée à ce que la liquidatrice de la filiale verse le cautionnement de 50 millions d’euros ordonné par la justice française. Sur demande des parties civiles, le juge van Ruymbeke a répliqué en ordonnant la saisie de créances détenues par la banque sur plusieurs épargnants. Une décision qui a pour conséquence théorique d’interdire à la Landsbanki de réclamer aux épargnants français le remboursement du prêt. La banque a cependant fait appel de cette décision dans un recours qui sera examiné en février par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
(L’essentiel/AFP)