International Yémen
Une plainte en France vise les dirigeants des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite
Alors qu’Emmanuel Macron visite les deux pays engagés dans la guerre au Yémen, une plainte pour crimes de guerre, torture et financement de terrorisme a été déposée, vendredi 3 décembre, à Paris, contre Mohammed Ben Zayed et Mohammed Ben Salman.
Par Christophe Ayad Publié aujourd’hui à 11h06
C’est une plainte qui tombe à pic. Alors qu’Emmanuel Macron se rend, vendredi 3 décembre, aux Emirats arabes unis (EAU) et samedi en Arabie saoudite, l’avocat Joseph Breham a déposé, vendredi matin, au tribunal judiciaire de Paris, une plainte avec constitution de parties civiles visant les deux princes héritiers et dirigeants de fait de ces pays du Golfe, alliés de la France. Les infractions reprochées à l’Emirati Mohammed Ben Zayed Al Nahyane (surnommé « MBZ ») et au Saoudien Mohammed Ben Salman (surnommé « MBS ») sont aussi graves que nombreuses : « crimes de guerre », « torture » , « disparitions forcées », « participation à une association de malfaiteurs à caractère terroriste » et « financement de terrorisme ».
Les deux dirigeants ne sont pas les seules personnes visées par cette plainte. Leurs chefs d’état-major respectifs et plusieurs responsables yéménites sont aussi visés, ainsi que Hana Al-Rostamani, la PDG de la First Abu Dhabi Bank (FAB) – elle-même désignée en tant que personne morale –, ainsi que le djihadiste français Peter Cherif, arrêté le 16 décembre 2018 à Djibouti, aujourd’hui détenu en France. Le fil qui relie tous ces individus ? La guerre au Yémen, où Me Breham s’est rendu en juin 2021, pendant une vingtaine de jours.
Le blocus, une arme de guerre
L’avocat, qui accompagnait les journalistes Guillaume Dasquié et Nicolas Jaillard, en tournage d’un documentaire en zone rebelle, voulait, à l’origine, enquêter sur les dommages causés par les armes françaises vendues aux EAU et à l’Arabie saoudite. Ces deux puissances sunnites du Golfe ont déclenché, en mars 2015, une guerre dévastatrice au Yémen, afin de rétablir le président Mansour Hadi, renversé par les rebelles houthistes d’obédience zaïdite (une branche du chiisme) soutenus par l’Iran.
La guerre s’est enlisée. Alors que l’Arabie saoudite et les Emirats procèdent essentiellement par des bombardements aériens, la coalition, dont les troupes au sol sont un assemblage hétéroclite des restes de l’armée yéménite, de supplétifs soudanais et de milices tribales ou fondamentalistes, piétine face aux combattants houthistes aguerris et difficiles à déloger de leurs montagnes où vivent 60 % des 30 millions de Yéménites. La principale arme de guerre est devenue le blocus mis en place par la coalition saoudo-émiratie. En zone rebelle, tout est rationné : la nourriture, les médicaments, l’essence. D’ici à la fin 2021, la guerre au Yémen aura causé 377 000 morts, selon une estimation des Nations unies. Lire la suite.