Yémen : trois entreprises françaises visées par une plainte pour « complicité de crimes de guerre »

Jeudi 2 juin 2022

International Yémen

Yémen : trois entreprises françaises visées par une plainte pour « complicité de crimes de guerre »

Dassault Aviation, Thales et MBDA sont accusés d’avoir fourni des armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis qui ont provoqué la mort de civils.

Par Madjid Zerrouky Publié aujourd’hui à 12h00, mis à jour à 12h12

C’est un déluge de feu parmi tant d’autres dans une guerre qui ne cessait de s’enliser au Yémen. Début décembre 2016, pendant soixante-douze heures, plusieurs vagues d’avions de la coalition arabe emmenée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis (EAU), qui intervient depuis 2015 contre la rébellion houthiste – soutenue par l’Iran –, s’acharnent sur Saada. Une cité que Riyad et ses alliés considèrent comme un fief de la rébellion. Parmi les restes des munitions utilisées contre un quartier résidentiel gît, au milieu des ruines, un missile air-sol Storm Shadow/Scalp. Une arme issue d’un projet franco-anglais mené par les sociétés MBDA UK et MBDA France.

Cette frappe, parmi 26 autres, est au cœur d’une plainte déposée à Paris, jeudi 2 juin, contre trois industriels français pour « complicité de crimes de guerre » par les ONG Mwatana, une organisation yéménite de défense des droits humains, et European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), basé à Berlin, rejointes par l’association Sherpa, et avec le soutien d’Amnesty International France.

Cette plainte, qui fait suite à une procédure parallèle déposée en décembre 2019 auprès de la Cour pénale internationale, pose à nouveau la question sensible des exportations d’armes françaises, et l’opacité qui entoure ces livraisons, à destination de pays alliés et en guerre.

Sont ainsi visés Dassault Aviation, qui exporte et assure notamment la maintenance des Mirage 2000 équipant les forces aériennes des EAU ; MBDA France et le groupe MBDA, pour la production et l’exportation de missiles air-sol Storm Shadow et Scalp, ainsi que le groupe Thales, pour la fourniture de pods de guidage Damoclès à l’Arabie saoudite et aux EAU destinés à guider des bombes vers leurs cibles. Ces trois entités font partie des plus importants fournisseurs d’armes aux pays de la coalition arabe.

Millier de raids documentés

Quatre hôpitaux, trois écoles, des camps de déplacés… Les frappes incriminées ont toutes visé des civils et des infrastructures civiles, loin de toute cible militaire, selon les plaignants, et sont donc possiblement constitutives de crimes de guerre, engageant la responsabilité des fournisseurs d’armes aux pays de la coalition. Elles font partie du millier de raids documentés au fil des années de guerre sur le terrain par l’ONG Mwatana, qui ont provoqué la mort de près de 3 000 civils, selon Abdulrasheed Al-Faqih, son directeur exécutif.

« En exportant des armes à la coalition, tout en sachant que cette coalition commet des crimes de guerre depuis 2015, on peut se rendre complices, parce qu’en droit pénal français l’acte de complicité, ici la fourniture et la maintenance d’armes, peut avoir facilité la réalisation du crime », explique Cannelle Lavite, codirectrice du département entreprises et droits humains de l’ECCHR. Lire la suite.

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