International Yémen
Une cinquantaine de députés français interpellent l’exécutif sur une prison dans une usine de Total au Yémen
Se fondant sur de récentes informations du « Monde », des parlementaires interrogent le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, vendredi dans une lettre ouverte.
Par Louis Imbert (Jérusalem, correspondant) Publié aujourd’hui à 17h12, mis à jour à 17h24
Cinquante et un parlementaires français ont interpellé, vendredi 11 décembre dans une lettre ouverte, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sur l’existence d’une base militaire et d’un centre de détention de l’armée des Emirats arabes unis (EAU) dans l’enceinte d’un site gazier géré par Total au Yémen. Leurs questions font suite aux informations publiées par Le Monde, en novembre, sur des exactions attribuées aux forces émiraties sur ce site, et sur la lutte en cours pour son contrôle. L’usine, mise à l’arrêt par la guerre dès 2015, représentait auparavant jusqu’à 45 % des recettes fiscales du Yémen.
Dès 2019, un officiel de la coalition saoudo-émiratie, qui intervient militairement dans le pays depuis 2015, nous avait confirmé l’existence d’une « cellule de détention temporaire » sur le site de Balhaf. Celle-ci était encore active début 2020, selon le témoignage du directeur du principal hôpital de la province, qui affirmait avoir reçu d’anciens prisonniers portant des marques de torture. Ce site de Total avait fait l’objet en 2019 d’un rapport de l’Observatoire des armements, SumOfUs et Les Amis de la Terre, puis de questions au gouvernement à l’Assemblée.
« Il nous semble préoccupant de constater que l’usine de Balhaf, dont l’actionnaire principal est un fleuron de notre industrie, est instrumentalisée d’une façon contraire au droit international et aux conventions qui régissent le droit de la guerre », écrivent les parlementaires, emmenés par le député (non inscrit, Rhône) Hubert Julien-Laferrière. Contactés, le Quai d’Orsay et les autorités émiraties n’ont pas encore donné suite.
Pour la plupart d’opposition, les signataires de ce courrier sont d’anciens élus de La République en marche (LRM), comme M. Laferrière et Cédric Villani, des membres du Parti communiste, du PS et de La France insoumise. S’y associent également des membres du MoDem et le coordinateur de la commission défense pour LRM, Fabien Gouttefarde, également président du groupe d’amitié France-Yémen à l’Assemblée.
Ce dernier assume de s’associer à l’opposition, dans une lettre ouverte qui « soulève des questions utiles sur ce site gazier, une source fondamentale de devises pour le Yémen à l’époque où il fonctionnait. Or, la France, à travers Total, a une partie des cartes en main : il serait important que notre diplomatie pèse au maximum sur les Emirats arabes unis pour débloquer le sujet ».
« Balhaf, un coffre-fort » Lire la suite.