Eva Joly : « Cette plainte vise à mettre fin à l’impunité fiscale des multinationales »

Dimanche 20 décembre 2015

Interview

Eva Joly : « Cette plainte vise à mettre fin à l’impunité fiscale des multinationales »

Par Vittorio De Filippis — 18 décembre 2015 à 19:06

Le comité d’entreprise de McDonald’s Ouest parisien, représenté par l’ancienne magistrate, porte plainte contre le géant du fast-food pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée ».

Tout a changé début 2013 lorsque la CGT est devenue majoritaire au comité d’entreprise de McDonald’s Ouest parisien, une des cinq filiales françaises de la multinationale du prêt à manger. Dès les premières réunions de comité d’entreprise, le syndicat a demandé des primes de participation sur les bénéfices et des hausses de salaires. Mais l’arithmétique de la réponse était sans appel : impossible, puisque les comptes de l’entreprise étaient, cette année-là encore, dans le rouge. Etonnement de Gilles Bombard, secrétaire général du syndicat CGT McDonald’s Paris Ile-de-France, qui passe son temps derrière des comptoirs de McDo qui ne désemplissent pas. Et qui sait que la multinationale ouvre une quarantaine de McDo chaque année en France, devenu un pays modèle de l’enseigne grâce à la « francisation » de ses menus. Gilles Bombard demande alors ce qu’aucun autre élu n’avait réclamé avant lui : une expertise des comptes de la filiale McDonald’s Ouest Parisien. L’étude mettra en évidence les ficelles d’une optimisation fiscale grâce auxquelles l’entreprise parvient à afficher des pertes. Elle montre surtout que ce qui aurait dû être rangé dans la colonne « bénéfices » est en réalité transformé en pertes d’exploitation… Le CE et leur avocate, Eva Joly, décident donc de porter plainte pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée » contre McDonald’s Ouest parisien. L’ancienne magistrate, députée européenne des Verts/Alliance libre européenne (Vert/ALE), dénonce l’impunité fiscale des multinationales. Pourquoi avez-vous accepté de défendre le CE de McDonald’s Ouest parisien ?

Il faut d’abord faire un petit rappel des conditions de travail au sein de l’entreprise. Les taux de rotation du personnel y sont importants, les salaires sont extrêmement faibles, le personnel subit une surveillance oppressante. McDonald’s a beau répéter à longueur de communiqués qu’elle aide les étudiants à avoir un job, demandez à l’un d’eux ce qu’il en pense, il vous dira que les horaires lui sont presque toujours imposés et qu’il est difficile de concilier études et emploi. Et ne parlons pas de leurs salaires, ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Le sujet des conditions de travail n’est pas sans rapport avec la question de la fiscalité.

Pourquoi dites-vous que cette plainte est une nouveauté ?

Le rapport « Unhappy Meal », qui date de février 2015, montre bien comment la galaxie McDonald’s Europe s’adonnerait à l’évasion fiscale en faisant remonter ses bénéfices au Luxembourg. McDonald’s pratiquerait une surfacturation des redevances au titre de l’utilisation de la marque. Une manière de pomper une grande partie de l’excédent d’exploitation par des redevances qui semblent excessives. C’est une forme de fausses factures qui permet de faire en sorte que le résultat final, en fin d’année, soit négatif ou à peine bénéficiaire. Lire la suite sur le site du journal Libération.

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