Environnement, travail forcé : la France demande à l’UE de suspendre des directives ambitieuses

Vendredi 24 janvier 2025

La France a demandé vendredi à l’Union européenne de suspendre une directive très ambitieuse sur le devoir de vigilance qui impose aux entreprises de veiller au respect de l’environnement et des droits humains dans leurs chaînes de production à travers le monde.

Agence France-Presse 24 janvier 2025 à 15h25

La France a demandé vendredi à l’Union européenne de suspendre une directive très ambitieuse sur le devoir de vigilance qui impose aux entreprises de veiller au respect de l’environnement et des droits humains dans leurs chaînes de production à travers le monde.

« Nos entreprises ont besoin de simplification, pas d’alourdissement administratif supplémentaire », a justifié le ministre délégué français en charge de l’Europe, Benjamin Haddad, sur le réseau social X.

Le ministre s’est fait l’écho de nombreux patrons européens, soucieux de retrouver d’urgence un niveau de compétitivité suffisant face à la Chine et aux Etats-Unis de Donald Trump.

Il réclame aussi à l’UE de « revoir » une autre directive verte (CSRD), ciblée par les lobbies patronaux.

D’autres pays, dont l’Allemagne, réclament de tels allègements réglementaires. La Commission doit présenter fin février des mesures en ce sens, promises par sa présidente Ursula von der Leyen cette semaine à Davos.

  • « Concurrence mondiale » -

Le Parlement avait adopté l’an dernier un texte sans précédent imposant aux industriels un « devoir de vigilance ».

L’objectif : exiger des entreprises qu’elles préviennent, identifient et remédient aux violations de droits humains et sociaux (travail des enfants, travail forcé, sécurité…) et dommages environnementaux (déforestation, pollution…).

Un devoir de vigilance appliqué dans leurs chaînes de valeur partout dans le monde, y compris chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales.

La France dispose déjà de sa propre loi dans ce domaine, obligeant les entreprises qui emploient plus de 5.000 salariés dans l’Hexagone et plus de 10.000 dans le monde à publier un plan de vigilance.

La directive européenne, imposant aux entreprises ne respectant pas le devoir de vigilance d’indemniser intégralement les victimes des violations, a été ciblée cette semaine par les principaux lobbies patronaux français et allemand.

Dans un communiqué commun, l’Association française des entreprises privées et le Deutsches Aktieninstitut, son équivalent allemand, avaient appelé à « adapter » et « simplifier » plusieurs mesures vertes face à l’« intensification de la concurrence mondiale ».

  • « Retour en arrière » -

Autre texte dans leur viseur : une sorte de comptabilité verte, qui vise à harmoniser en Europe la manière dont les entreprises publient leurs données de « durabilité » (environnementales, sociales et de gouvernance).

Elle a été adoptée durant la précédente législature européenne dans le sillage du Pacte vert, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Mais elle subit elle aussi des attaques des milieux économiques européens, inquiets de retrouver d’urgence un niveau de compétitivité plus ambitieux, face aux Etats-Unis et à la Chine.

La décision de la France a été vivement critiquée à gauche et par des ONGs.

« S’attaquer à ces deux directives », « c’est détruire les uniques législations européennes qui visent à fixer des règles à la mondialisation », a dénoncé l’eurodéputée Manon Aubry auprès de l’AFP. L’élue, co-présidente du groupe de gauche radicale, avait mené les négociations pour son camp sur le devoir de vigilance.

« Avec cette position, le gouvernement français ancre un réel retour en arrière sur ses ambitions climatiques », a regretté Olivier Guérin de Reclaim Finance.

L’eurodéputé Pascal Canfin, du groupe centriste Renew, a quant à lui indiqué soutenir « la simplification » de ces textes, mais pas leur « report ».

Lundi, Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne chargé de la stratégie industrielle, avait confirmé le lancement à partir du 26 février d’un « choc de simplification massif » dans l’UE.

Les arbitrages sur ces questions sont toujours en discussion.

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Agence France-Presse

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