Vatican : fin d’un procès de deux ans impliquant un cardinal pour fraude financière

Mardi 12 décembre 2023

Un procès historique pour fraude financière au Vatican impliquant un cardinal italien de haut rang autour de l’achat opaque d’un immeuble à Londres s’est achevé mardi au terme de plus de deux ans d’audiences, avec un verdict attendu samedi.

Agence France-Presse 12 décembre 2023 à 20h56

Le cardinal Angelo Becciu, 75 ans, un ancien proche conseiller du pape François, est le plus haut responsable de l’Église catholique à avoir comparu devant le tribunal pénal du Vatican dans ce procès qui s’est ouvert en juillet 2021.

Cet été, le promoteur de justice (procureur) Alessandro Diddi avait requis des peines allant de plus de quatre ans à plus de 13 ans de prison, en plus de sanctions financières, à l’encontre des dix prévenus qui comparaissent notamment pour fraude, détournement de fonds, abus de pouvoir, blanchiment d’argent, corruption et extorsion.

Après la 85e et dernière audience mardi qui a donné la parole aux avocats de la défense, le verdict dans le procès dit « de l’immeuble de Londres » sera lu samedi en fin d’après-midi, a annoncé le juge.

Ancien numéro deux de la Secrétairerie d’Etat, la pierre angulaire du gouvernement central du Saint-Siège, Mgr Becciu conserve son titre de cardinal mais a été démis de toutes ses fonctions en septembre 2020.

Ce Sarde - contre lequel sept ans et trois mois de prison ont été requis - a toujours clamé son innocence, affirmant n’avoir « jamais volé un centime » et assurant être victime d’un « massacre médiatique ».

Au cœur de la procédure : le coûteux achat d’un immeuble de luxe à Londres entre 2014 et 2018 dans le cadre des activités d’investissement du Saint-Siège, dont le patrimoine immobilier est considérable.

Cette acquisition à un prix surévalué -via des montages financiers hautement spéculatifs- a mis en évidence l’utilisation imprudente du Denier de Saint-Pierre, la grande collecte annuelle de dons destinés aux actions caritatives du pape. Elle a également généré des pertes substantielles dans les finances du Vatican.

Ce procès « a démontré que dans tous ces investissements, le cardinal n’a jamais pris une mesure qui ne soit pas conforme à ce que son bureau lui avait préparé », a affirmé mardi l’avocat de Mgr Becciu, Me Fabio Viglione, qui a demandé son acquittement.

  • Procès-fleuve -

Au fil des 30 mois d’audiences, ce procès-fleuve qui s’est déroulé dans une salle spécialement aménagée, avec un portrait du pape suspendu au mur, s’est embourbé dans des questions procédurales, suscitant des interrogations sur l’efficacité de la justice du Saint-Siège.

Parmi les temps forts, les révélations concernant une conversation téléphonique de Mgr Becciu -à son initiative- avec le pape et enregistrée à son insu, peu avant le début du procès, dans laquelle il lui demandait de confirmer avoir approuvé des mouvements financiers confidentiels.

L’instruction avait décrit un imbroglio « quasi inextricable » de fonds d’investissement spéculatifs avec effet de levier, de banques, d’institutions de crédit, de personnes physiques et juridiques.

Le Vatican avait finalement revendu l’immeuble de 17.000 m³ situé dans le très chic quartier de Chelsea, au prix d’une lourde perte.

L’affaire a porté un rude coup à la réputation de l’Eglise et du pape François, qui a multiplié les réformes pour assainir les finances du Saint-Siège, engluées dans les scandales, et lutter contre la fraude.

Outre la création d’un Secrétariat pour l’Economie en 2014, le jésuite argentin a, depuis son élection en 2013, encadré les investissements et les activités de la Banque du Vatican, en particulier via la fermeture de 5.000 comptes suspects.

Lundi, Jorge Bergoglio a de nouveau insisté sur l’importance d’une absolue transparence et appelé à la vigilance face à « l’attrait de la corruption » au sein des institutions du Vatican.

Ce procès s’est aussi penché sur un volet annexe également lié au cardinal Becciu : le financement à hauteur de 125.000 euros d’une coopérative gérée par son frère pour des activités possiblement non caritatives, des accusations qu’il rejette catégoriquement.

Agence France-Presse

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