AFP / 30 janvier 2013 18h48
Au procès pétrole contre nourriture, Pasqua attend son heure
PARIS - Le dos voûté, mains dans les poches et à petits pas, Charles Pasqua, 85 ans, s’autorise une pause à l’audience, pendant que son ancien conseiller diplomatique n’en finit pas de nier avoir détourné le programme de l’ONU en Irak pétrole contre nourriture.
Bernard Guillet, 67 ans, est poursuivi pour trafic d’influence et corruption, accusé d’avoir perçu des allocations de barils de pétrole que le régime irakien attribuait à des personnalités amies, en violation de ce programme de l’ONU mis en place en 1996.
L’ancien ministre de l’Intérieur et ex-président du conseil général des Hauts-de-Seine est mis en examen des mêmes chefs, la justice le soupçonnant d’avoir bénéficié des largesses du régime de Saddam Hussein en échange d’un lobbying en faveur de la levée de l’embargo contre l’Irak. Il dément catégoriquement.
Charles Pasqua devait être interrogé mercredi, au 6e jour du procès. Mais Bernard Guillet, qui assure lui-même sa défense, occupait toujours la scène en fin d’après-midi, debout au micro devant la quinzaine d’autres prévenus assis à l’avant de la salle lambrissée.
La présidente, Agnès Quantin, rappelle à l’ancien diplomate qu’il a nié durant l’enquête avoir été allocataire de barils à titre personnel et ajoutait ne pas savoir ce qu’il en était concernant Charles Pasqua.
je n’ai pas voulu l’incriminer
Je n’ai pas voulu incriminer Charles Pasqua pour autant, mais on ne peut dire que ce que l’on sait, répond-il. Avec l’ancien ministre de l’Intérieur, on se connaît bien, mais on n’est pas en train de se dire des secrets à longueur de journée…
J’ai pu dire des choses blessantes, déclare-t-il plus tard à propos de l’ancien ministre, mais je voudrais lui dire publiquement que je regrette qu’il ait été mêlé à cette affaire. Vous en avez gravement pâti, lui dit-il.
Bernard Guillet ne se démonte pas quand sont évoqués les sept retraits en liquide qu’il a effectués en Suisse sur le compte bancaire d’un homme d’affaires libanais, aujourd’hui décédé mais considéré comme élément central du dossier de détournements du programme onusien. Simple service rendu, dit-il.
Alors, les barils étaient-ils destinés à Bernard Guillet ou à Charles Pasqua ?
Au premier jour du procès, le 21 janvier, Charles Pasqua avait nié avec véhémence devant la presse tout détournement. En ce qui me concerne, il n’y a pas plus de trafic d’influence, que de corruption, que de barils de pétrole. Vous voulez venir voir dans ma cave s’ils y sont ?, avait-il lancé.
Ce jour-là, il avait été condamné à Versailles à deux ans de prison avec sursis et 150.000 euros d’amende dans une affaire de détournements de fonds. Rejetant toute responsabilité dans ce dossier également, il a fait appel.
Habitué des tribunaux depuis une dizaine d’années, l’ancien ministre a été condamné à de la prison avec sursis pour financement illégal de campagne électorale et complicité d’abus de biens sociaux, mais blanchi dans un dossier de pots-de-vin et relaxé en appel en 2011 dans l’Angolagate. Bernard Guillet avait lui été relaxé dès la première instance dans cette même affaire de ventes d’armes à l’Angola.
Le procès, qui se tient les lundis, mardis et mercredis jusqu’au 20 février, doit étudier la semaine prochaine l’implication présumée du groupe Total dans le contournement du programme pétrole contre nourriture, qui autorisait l’Irak à vendre une quantité limitée de pétrole en échange de biens humanitaires et de consommation. Total nie toute malversation.
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