L’Obs Justice
Immobilier de luxe : comment la France attire l’argent douteux du monde entier
Plus de soixante personnalités étrangères, chefs d’Etat, ministres ou hommes d’affaires controversés, ont investi des centaines de millions d’euros en France pour acheter des maisons ou des appartements de luxe. “L’Obs”, associé à un collectif de journalistes indépendants, dévoile l’ampleur du phénomène, sur lequel plane de forts soupçons de blanchiment d’argent sale. Sous le regard plus que passif des notaires et des autorités. Révélations.
Par Emmanuel Freudenthal, Yann Guégan, Coline Emmel et Youri Van der Weide (Bellingcat) avec Karine Pfenniger publié le 07 juillet 2022 à 06h30
La vue sur la mer est éblouissante. Un de ces décors de carte postale qui aimantent les grandes fortunes mondiales. La villa et sa piscine bordée de pins, dans l’un des coins les plus courus de Saint-Tropez, invitent à la contemplation. La propriétaire des lieux doit tellement apprécier l’endroit qu’elle a même acheté… la maison d’à côté. A travers deux sociétés civiles immobilières (SCI), dénommées Zebra et La Grenouille, une certaine Sevil Aliyeva a acquis en 1999 la première demeure, qui comprend une quinzaine de chambres sans compter le trois-pièces du gardien, pour 5,2 millions d’euros ; puis la deuxième, en 2008, pour 15,9 millions.
Ces deux maisons tropéziennes ne représentent qu’une partie de son patrimoine immobilier en France : dans le 16e arrondissement de Paris, elle a aussi acheté en 2005, via une SCI du nom de Taureau, un hôtel particulier équipé d’une piscine intérieure. Montant de l’opération : 11,5 millions d’euros, payés sans qu’elle prenne d’hypothèque pour garantir un éventuel emprunt, comme pour presque tous ses achats.
Une mystérieuse Sevil Aliyeva, « compositeur de musique »
Car ce n’est pas fini : Sevil Aliyeva, c’est son nom, possède aussi quatre appartements juste à côté des Champs-Elysées, d’une valeur totale de plus de 14 millions d’euros, via des SCI dénommées cette fois Succès, Grand Succès et La Chance. Avec un tel patrimoine immobilier, on pourrait aisément imaginer que cette élégante sexagénaire est une businesswoman de haut vol. D’autant qu’elle possède aussi des maisons dans The Boltons, l’un des quartiers les plus chers de Londres, où elle dit vivre, cette fois via des entreprises enregistrées dans des paradis fiscaux. Sauf que sur certains documents officiels liés à ses opérations immobilières en France, Sevil Aliyeva se déclare « compositeur de musique » – elle a bien sorti deux CD il y a une dizaine d’années, mais ils ne sont plus disponibles à la vente. Et sur d’autres documents, elle se dit « sans profession ». Lire la suite.