L’ex-président Alberto Fujimori sous les verrous au Pérou
Rio de Janeiro LAMIA OUALALOU.
Publié le 24 septembre 2007
Actualisé le 24 septembre 2007 : 09h09
illustration : Alberto Fujimori a quitté son domicile de Santiago du Chili, samedi, pour le Pérou. Motokura/AP.
Le Chili a décidé de l’extrader. Une première judiciaire historique.
SA FUITE du Pérou fut rocambolesque, son retour au pays l’est tout autant. Samedi, l’ex-président Alberto Fujimori a été emprisonné par la police péruvienne dès son arrivée à Lima, suite à son extradition par le Chili. Il est poursuivi pour violations de droits de l’homme et corruption. Cette détention met fin à un feuilleton diplomatico-judiciaire impliquant le Pérou, qu’il a dirigé de 1990 à 2000, mais aussi le Chili et le Japon.
En novembre 2000, Alberto Fujimori, accablé par des révélations sur la corruption de son gouvernement, profite d’un Congrès de coopération à Brunei pour quitter son pays. Quatre jours plus tard, il se rend au Japon, dont il est originaire, et envoie un fax à Lima pour annoncer sa démission. Elle est refusée par le Congrès péruvien, qui exige d’Alberto Fujimori qu’il rende des comptes à la justice. Toutes les tentatives échouent : fils d’immigrés japonais, l’ex-président est protégé par la loi de son pays d’origine, qui refuse l’extradition de ses ressortissants.
Toutefois, celui que ses partisans surnommaient « El Chino », en référence à ses traits asiatiques, ne se satisfait pas de cet exil doré. En novembre 2005, il prend les chancelleries par surprise en débarquant au Chili, pays limitrophe du Pérou. À la veille des élections présidentielles, qui doivent se tenir en 2006, Alberto Fujimori compte tester sa popularité dans un pays désenchanté. Malgré une croissance élevée, la misère n’a pas reculé durant le mandat du président Alejandro Toledo. Et c’est sur ces masses populaires, qu’il manipulait avec un mélange d’autoritarisme et de populisme dans les années 1990, que l’ex-homme fort du Pérou compte.
Pied de nez à l’histoire
Le calcul s’avère hasardeux. Le Chili, en pleine campagne électorale, veut démontrer qu’il n’est pas un refuge à dictateurs. À la demande de Lima, Alberto Fujimori est placé en détention, il est vrai, dans des conditions luxueuses. La bataille judiciaire s’engage. Au Pérou, les associations de victimes, qui veulent poursuivre l’ex-président pour crimes contre l’humanité, multiplient les recours, régulièrement rejetés.
Vendredi pourtant, la Cour suprême de Santiago tranche définitivement, en jugeant, à l’unanimité, qu’Alberto Fujimori doit être extradé au Pérou pour répondre de l’assassinat de 25 personnes. Les associations de droits de l’homme exultent dans le monde entier. Amnesty International salue une « décision historique », Human Rights Watch souligne que « c’est la première fois qu’un tribunal ordonne l’extradition vers son pays d’origine d’un ancien chef d’État poursuivi pour violation de droits de l’homme ». L’épisode constitue aussi un véritable pied de nez de l’histoire. Alberto Fujimori est extradé par le Chili, pays qui n’a jamais réussi à juger le dictateur Augusto Pinochet, mort dans son lit en décembre dernier. Il arrive dans un pays dirigé par Alan Garcia, de retour aux commandes après un premier mandat dans les années 1980, et qui a passé l’essentiel des années 1990 en exil, quand le gouvernement d’Alberto Fujimori voulait le juger pour corruption…
Sans le reconnaître officiellement, le gouvernement péruvien se serait bien passé de cette première judiciaire historique. Car à 69 ans, « El Chino » est toujours populaire auprès d’une partie de la population, qui lui est reconnaissante d’en avoir fini avec le Sentier lumineux, une guérilla d’inspiration maoïste, dont l’affrontement avec le gouvernement a provoqué plus de 70 000 morts. Au Congrès, une bonne douzaine de députés, conduits par sa fille, Keiko Fujimori, se recommandent toujours d’Alberto Fujimori et pourraient mettre en difficulté Alan Garcia, dont le parti n’a que 36 députés, et qui, un an après son élection, fait déjà face à de multiples mouvements sociaux.
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