Alstom-Pasqua : Règlement de comptes ?
L’Express du 31/01/2005
par Gilles Gaetner
En 1994, Pierre Bilger, alors PDG de la firme, avait versé une commission à un proche de l’ex-ministre. L’ombre de ce dernier planera sur le procès à venir
Triste fin de carrière pour l’ancien patron d’Alstom, Pierre Bilger. Le juge Philippe Courroye vient de le renvoyer en correctionnelle pour avoir réglé une coquette commission destinée à obtenir l’autorisation de transférer le siège de la division transports de son groupe. A ses côtés se retrouveront devant le tribunal - fin 2005 - l’ex-dirigeant de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar), Pierre-Henri Paillet, ainsi que le fils de Charles Pasqua, Pierre-Philippe… A condition qu’il daigne quitter la Tunisie, où il a trouvé refuge. Au cours de ce procès planera l’ombre de son père, lui aussi mis en cause dans cette histoire. Mais, étant ministre au moment des faits, il devrait être jugé par la Cour de justice de la République.
Des révélations fracassantes
L’affaire démarre le 2 avril 1998. Ce jour-là, un professeur à la Sorbonne, Michel Carmona, fait, dans le cadre d’une instruction confiée au juge Eric Halphen, des révélations fracassantes. Selon lui, un proche de Charles Pasqua, Etienne Léandri - aujourd’hui décédé - aurait perçu une commission de plusieurs millions de francs, en contrepartie de l’autorisation accordée à Alstom pour le transfert d’une partie de ses activités de la Défense à Saint-Ouen. Or ce feu vert a été délivré par la Datar, sous tutelle, à l’époque, du ministère de l’Intérieur dirigé par Charles Pasqua.
Saisi pour des raisons de compétence territoriale, le juge parisien Philippe Courroye vérifie le bien-fondé des allégations de Carmona. Très vite, il se forge une conviction : dès sa première audition, le 13 mai 2003, le patron d’Alstom, Pierre Bilger, reconnaît « avoir consenti un effort […], par le canal d’Etienne Léandri, pour financer l’action politique de Charles Pasqua ». Et de marteler : « Nous avons cédé à une pression qui était une forme de racket. » Le 11 mai 1994, en effet, Alstom, contraint et forcé - via sa caisse noire Masquin Finance, domiciliée en Suisse - versera 5,2 millions de francs sur un compte bancaire de l’IBZ de Genève, appartenant à Etienne Léandri.
Interrogé à son tour le 16 mai, Pierre-Henri Paillet, patron de la Datar de 1993 à 1995, avoue lui aussi que « la décision d’agrément a été monnayée ».
Dossier terminé ? Pas le moins du monde. Le juge Courroye n’est pas au bout de ses surprises car il apprend qu’Etienne Léandri a ristourné, dès le mois de juin, une part de son dû - 701 510 dollars - à un mystérieux compte Dowman, toujours à l’IBZ de Genève. Bizarre… Sauf que l’ayant droit économique n’est autre que le fils de l’ancien ministre de l’Intérieur, Pierre-Philippe Pasqua. Interrogé sur ce point, Pierre-Henri Paillet lâchera : « Pour moi, il n’y a pas de différence entre le fils et le père. Je ne vois pas de raisons pour lesquelles Etienne Léandri devait payer 700 000 dollars au fils de Charles Pasqua, si ce n’est au titre de retour pour financement. »
Voilà qui laisse présager, lors du procès, de jolis règlements de comptes, pas toujours très élégants, envers l’ancien ministre de l’Intérieur…
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Publié avec l’aimable autorisation du magazine L’Express.
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