Assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia : à Malte, l’enquête s’accélère sur les commanditaires
Par Arthur Bouvart et Anne Michel Publié aujourd’hui à 17h59
Enquête Trois ans après le meurtre de la blogueuse, de nouveaux éléments révélés par « Le Monde » et les médias partenaires du « Projet Daphne » mettent en cause l’homme d’affaires Yorgen Fenech, qui nie toute implication.
Il est prêt. La police maltaise doit débarquer d’un jour à l’autre dans sa maison du sud de l’île de Malte, pour l’arrêter dans une affaire de blanchiment d’argent. Il risque des années de prison. Alors il a préparé de quoi ne pas tomber seul : des photos, des téléphones et trois clés USB contenant des enregistrements compromettants, le tout rassemblé dans un bac de crème glacée vide. Une boîte qu’il tient serrée contre lui, ce 14 novembre 2019, quand soudain, l’unité spéciale criminalité économique l’interpelle dans sa voiture. Et que ce chauffeur de taxi de 42 ans n’ouvrira qu’en présence d’un commissaire de police. Il a aussi préparé une lettre d’aveu, en caractères majuscules, qui commence ainsi : « Je soussigné Melvin Theuma affirme que je suis l’intermédiaire dans l’affaire de Mme Caruana Galizia. Je vous transmets ces preuves pour que vous sachiez qui m’a embauché et a payé pour la bombe. »
Piste crapuleuse
L’information de son arrestation se répand vite sur la petite île méditerranéenne. L’affaire réveille chez les 500 000 habitants le traumatisme du 16 octobre 2017, jour de l’assassinat de la célèbre journaliste et blogueuse anticorruption maltaise Daphne Caruana Galizia, dans un attentat à la voiture piégée. Tout le monde garde en mémoire les images d’horreur : le véhicule calciné, fumant, projeté dans un champ par l’intensité de l’explosion. L’enquête judiciaire ouverte depuis deux ans n’a rien donné, sinon l’arrestation de trois malfrats mutiques liés au milieu maltais, qui auraient posé la bombe pour 150 000 euros. Cette fois, la vérité a des chances d’éclater. La police détient celui qui affirme avoir fait le lien entre le commanditaire et les poseurs de bombe. A ce pays qui étouffe sous la corruption et envisage tous les scénarios meurtriers, de la piste crapuleuse à la coalition politique, Melvin Theuma livre bientôt un nom : Yorgen Fenech.
Cette révélation, fournie en échange d’une immunité présidentielle, a de quoi saisir la population : Yorgen Fenech, 38 ans, n’est pas exactement un inconnu. C’est l’une des plus grosses fortunes de l’île, l’héritier d’un conglomérat tentaculaire, actif dans l’hôtellerie et les casinos, propriétaire de to Lire la suite.