Dans l’arrière-boutique du wealth management
26 Septembre 2015 10:13 Par Véronique Poujol
Plongée dans les coulisses d’une officine de « gestion de fortune » proposant des « solutions » aux fraudeurs. Où l’on croise des comptes à Nassau ou à Maurice, une banque dépositaire au Luxembourg et la filiale d’un PSF aux Bahamas.
Ce courtier en assurances affirme s’être retiré définitivement des affaires et avoir « laissé ça à d’autres » : Dominique (prénom d’emprunt, pour garantir son anonymat) proposait des « solutions » aux clients de la place financière rétifs à déclarer leurs comptes au Luxembourg et a fortiori à payer des impôts. Des investisseurs à la fortune relativement modeste comparée à la taille des dépôts qui ont cours sur la place luxembourgeoise depuis le « changement de paradigme » ou la « révolution copernicienne », selon les termes du ministre des Finances Pierre Gramegna, c’est-à-dire la fin du secret bancaire pour les investisseurs étrangers. Les dentistes belges, les veuves françaises et les mécaniciens allemands, qui avaient permis à Luxembourg d’exister sur la carte du private banking de grand-papa, ont cédé la place à une nouvelle génération de clients alignant plus de zéros sur leurs comptes que leurs prédécesseurs. Et surtout « transparents » du point de vue fiscal.
Derrière le discours officiel de la mise au pas du Luxembourg, son passage à marche forcée aux standards de transparence fiscale et de coopération administrative, il y a une réalité qui détonne. Celle de clients étrangers que les banques et gestionnaires « conventionnels » ont mis à la porte, soit parce qu’ils étaient trop petits, soit parce qu’ils refusaient de régulariser leur situation fiscale et de déclarer leurs comptes à leurs autorités nationales.
Les chiffres des derniers clients « non régularisés de la Place restent tabous. Les méthodes commerciales des officines pour les recruter et les mettre à l’abri, en s’expatriant hors d’Europe tout en restant indirectement au Grand-Duché, le sont aussi. Les autorités luxembourgeoises se sont toujours montrées réticentes à commander des études (et à les publier) sur l’étendue de l’argent « gris » et ce qui en restait depuis l’annonce du printemps 2012, lorsque Luc Frieden céda à la pression de ses pairs européens et annonça la fin du secret bancaire pour les étrangers.
Délocalisation low cost
Pour autant, les « chasseurs » ont été à l’œuvre pour traquer la proie et Dominique fut l’un d’eux, à tout le moins jusqu’à l’automne dernier, avant que l’affaire LuxLeaks mette le Luxembourg sous les projecteurs et que le gouvernement de Xavier Bettel cède aux exigences de transparence et à la pression des pairs. Paperjam a eu accès à sa documentation commerciale.
« Sa » solution, essentiellement destinée à une clientèle francophone, passait par une « délocalisation » low cost via une société panaméenne, Matador Advisors Ldd Inc, improvisée gestionnaire de fortune. Dominique était dans une société de courtage en assurances, Montesquieu & Associés, ayant pignon sur rue avenue de la Liberté et opérant avec un agrément du Commissariat aux assurances. La licence a été retirée par le régulateur. La société a depuis lors été revendue à un ressortissant belge et la pancarte décrochée de la façade du siège social.
Au fil du Mémorial C apparaît, dans l’actionnariat de Montesquieu, la société offshore Sunvalley International Trading (avec un quartier général à New York, dans une suite de Madison Avenue et un bureau aux Seychelles. Le nom de Sunvalley International Trading est également cité dans la documentation commerciale de Matador pour servir de paravent aux exilés fiscaux.
Dominique avait conservé jusqu’à récemment une licence pour le compte d’une société de courtage, qui a dernièrement mis la clef sous la porte. Sur le site du Commissariat aux assurances, le registre public des courtiers mentionnait encore son existence début septembre.
La cible de Matador ? Des clients « moyenne gamme » avec un niveau d’avoirs autour du million d’euros. Lire la suite sur le site du journal Paperjam.