Méga fraude fiscale : un Britannique devant la justice danoise

Lundi 11 mars 2024

Accusé d’avoir floué l’administration fiscale danoise de quelque 1,2 milliard d’euros via des montages financiers de type « cum-ex » dans les années 2010, le trader britannique Sanjay Shah est jugé à partir de lundi au Danemark après avoir été extradé par Dubaï.

Agence France-Presse 11 mars 2024 à 03h50

Agé de 53 ans, M. Shah, qui comparaît devant le tribunal de Glostrup, en banlieue de Copenhague, plaide non coupable dans cette affaire concernant des faits qui s’étendent de 2012 à 2015. Il risque jusqu’à douze ans de prison.

Il est accusé d’avoir mis en œuvre un « schéma frauduleux bien conçu et méthodique » qui lui a permis de percevoir plus de 9 milliards couronnes (1,2 milliard d’euros) de remboursements d’impôts sur les dividendes, selon le parquet.

En pratique, des entreprises étrangères contrôlées par Sanjay Shah prétendaient détenir des actions dans des sociétés danoises et touchaient des rabais fiscaux auxquels elles n’étaient pas éligibles. L’accusation a recensé plus de 3.000 demandes de ce type au Trésor.

« L’ampleur, la complexité et le caractère international de l’affaire, ainsi que les difficultés rencontrées pour remettre M. Shah au Danemark, expliquent pourquoi il a fallu près de dix ans pour que cette affaire soit présentée au tribunal », a dit à l’AFP l’un des avocats de l’accusé, Kare Pihlmann.

Le financier a été extradé en décembre 2023 de Dubaï, où il vivait, au terme d’une procédure fleuve au cours de laquelle le Danemark a conclu en 2022 avec les Emirats arabes unis un accord d’extradition.

Le prévenu est en détention depuis son arrivée au Danemark.

  • Coup de théâtre -

Ultime rebondissement, son ancien bras droit, Anthony Mark Patterson, a finalement décidé de plaider coupable de complicité de fraude fiscale.

Jugé séparément devant ce même tribunal, ce Britannique a été condamné à huit ans de prison le 1er mars et pourrait être entendu comme témoin.

Lors de son procès, il a expliqué avoir été « jeté dans le grand bain » de l’escroquerie dès son arrivée à Solo Capital, le fonds d’investissement créé et dirigé par Sanjay Shah au printemps 2013.

« J’ai pris conscience des schémas de transactions lorsque nous avons dû planifier les opérations pour 2014 », a détaillé M. Patterson, exprimant ses « regrets d’avoir participé à cette stratégie ».

Le conseil de M. Shah n’a pas souhaité commenter le fond de l’affaire, se contentant de souligner l’importance pour son client de bénéficier d’un procès équitable.

« Des représentants du gouvernement, en particulier des ministres, au fil des ans, ont fait de nombreux commentaires sur cette affaire, donnant l’impression que M. Shah est coupable de fraude (…) Il s’agit d’une violation possible de la présomption d’innocence », a-t-il fait valoir.

L’affaire a fait couler beaucoup d’encre au Danemark, où le Trésor public espère récupérer son argent. En janvier 2021, lors de l’annonce de l’inculpation, le Parquet avait indiqué avoir déjà saisi quelque 3 milliards de couronnes.

Au civil, M. Shah a été condamné à rembourser quelque 1,5 milliard d’euros à l’autorité fiscale danoise par un tribunal à Dubaï. Un procès est également en cours au Royaume-Uni.

Connu sous le nom de « cum-ex » et profitant d’une lacune du droit fiscal européen, le type de montage reproché à Sanjay Shah a été pratiqué par plusieurs traders en Europe avant d’être mis au jour, affectant un certain nombre de pays de l’UE dont l’Allemagne voisine.

Il consistait à acheter et revendre des actions autour du jour de versement du dividende, si vite que l’administration fiscale n’identifiait plus le véritable propriétaire, permettant d’exiger illégalement des crédits d’impôt sur les bénéfices.

Selon des estimations relayées par l’agence financière Bloomberg, les diverses fraudes « cum ex » et « cum cum », une variante, ont coûté jusqu’à 150 milliards d’euros aux contribuables européens.

Agence France-Presse

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