Agence France-Presse 17 janvier 2025 à 16h10
La journaliste française Ariane Lavrilleux, mise en cause dans une enquête sur la divulgation du secret défense concernant le possible détournement d’une opération de l’armée française par l’Egypte pour cibler des opposants, a échappé vendredi à une inculpation.
« J’ai été placée sous le statut de témoin assisté en raison de l’intérêt public de l’enquête publiée par (le site d’investigation) Disclose et (l’émission) Complément d’enquête (diffusée sur la chaîne France 2) et de l’absence d’indices graves ou concordants contre moi », a annoncé la journaliste à l’AFP, à l’issue de trois heures d’interrogatoire.
Le parquet de Paris a confirmé cette mesure, qui lui permet, si elle garde ce statut jusqu’au bout de la procédure, d’échapper à un procès éventuel.
« C’est un immense soulagement parce que ça fait plusieurs mois qu’on se bat avec (mon avocat) Christophe Bigot et Disclose pour expliquer l’intérêt public de ces révélations qui n’auraient jamais dû être classées secret défense », a ajouté cette journaliste autrefois correspondante en Egypte.
Et d’ajouter : « La justice a montré qu’elle était indépendante, qu’elle n’était pas le bras armé du ministère de la Défense », qui avait porté plainte dans ce dossier.
« Mais ce n’est pas la fin de la bataille », a prévenu la journaliste, qui estime que la législation française doit changer car elle « permet de poursuivre les journalistes et de les perquisitionner ».
Mathias Destal, co-fondateur de Disclose, et Reporters sans frontières (RSF) ont exprimé leur « soulagement ». Sur le réseau X, l’organisation a appelé « à l’abandon total de la procédure ».
L’enquête se concentre sur plusieurs articles publiés par Disclose depuis 2019, relatifs aux ventes d’armes françaises à l’étranger, mais aussi à l’opération « Sirli », une mission de renseignement française en Egypte que ce pays aurait détournée pour cibler et tuer des opposants.
L’Égypte est un des principaux destinataires d’équipements militaires français.
Une instruction a été ouverte en juillet 2022. La journaliste avait été placée en garde à vue et perquisitionnée en septembre 2023.
Dans la foulée, un ancien militaire avait été inculpé et placé sous contrôle judiciaire pour détournement et divulgation du secret de la défense nationale par son dépositaire.
Le cadre légal en vigueur est « insuffisamment protecteur » et « est désormais abusé ou contourné », avaient plaidé dans une lettre au gouvernement lundi une centaine d’organisations, dont RSF, les syndicats SNJ et CFDT, l’association du Prix Albert Londres et plusieurs médias.
Devant ses soutiens rassemblés devant le tribunal judiciaire de Paris à l’appel d’une centaine d’organisations, Mme Lavrilleux a évoqué vendredi une « procédure totalement hallucinante » qui a « déployé les moyens de la lutte antiterroriste pour la géolocalisation de (s)on téléphone, (la) suivre dans le tramway, dans (s)es déplacements professionnels ou privés, éplucher (s)es comptes bancaires. »
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