INFO L’EXPRESS
Grave crise au parquet national financier
Par Laurent Léger, publié le 22/03/2019 à 00:00 , mis à jour à 06:53
Un magistrat de ce parquet ultrasensible où sont autant gérées les affaires Sarkozy que Fillon ou encore Airbus a écrit une lettre incriminant sa cheffe. Il a été muté.
Depuis des mois, la crise couvait au sein du parquet national financier (PNF), où sont regroupés 18 magistrats chargés de suivre des dossiers financiers parmi les plus délicats et aux enjeux les plus lourds. Créée en 2013 à la suite du scandale Cahuzac, cette structure centralisant les affaires complexes de fraude fiscale, de corruption, de trafic d’influence ou de délits d’initiés est dirigée depuis le début par Eliane Houlette, une magistrate chevronnée à la forte personnalité.
La liste des enquêtes du PNF susceptibles de gêner les hommes de pouvoir, les grands groupes industriels ou les riches people est interminable… Les écoutes de Nicolas Sarkozy ou le financement présumé de sa campagne par des fonds libyens, les dossiers Fillon, Dassault ou Airbus, les emplois supposés fictifs des assistants parlementaires de plusieurs partis politiques, l’affaire Bygmalion, la fraude fiscale présumée de Google ou d’Isabelle Adjani, les investigations relatives à la banque suisse UBS, aux « Panama Papers » ou aux « Football leaks », les conditions d’attribution des Jeux Olympiques et bien d’autres encore, c’est le PNF qui en est chargé. Doté d’une compétence nationale, ce parquet est en relation avec des magistrats de nombreux pays et, au vu des dossiers qu’il gère, se retrouve au cœur de toutes les attentions et critiques - émanant souvent de ceux à qui la justice cherche noise. Mais pas seulement.
Lettre à la procureure générale de Paris
Depuis sa création, les membres de ce parquet semblent s’être divisés, certains n’hésitant pas à décocher en privé des flèches plus ou moins acérées à l’encontre de leur cheffe. Le cloisonnement de l’information, un style de management très personnel, l’attribution des dossiers les plus valorisants à des parquetiers « chouchous », voire le choix de certaines options dans le déroulé des enquêtes, les reproches adressés à la super-procureure seraient récurrents mais portés principalement par un des magistrats de l’équipe, et pas n’importe lequel : ce dernier est chargé notamment du financement présumé libyen de Sarkozy, de l’affaire Dassault ou de dossiers de taxe carbone. Il a également supervisé les investigations sur les primes en liquide de Claude Guéant, qui ont mené à la condamnation de l’ancien ministre. Il est notoire au palais de justice qu’Eliane Houlette et son substitut ne se parlaient désormais que lorsque nécessaire. Ils s’étaient opposés à plusieurs reprises lors de réunions internes, la première reprochant au second certains de ses raisonnements juridiques et remettant en question la qualité de ses rapports écrits. Lire la suite.