Jean François Bohnert, un magistrat au profil européen
Par L’Obs avec AFP Publié le 09 octobre 2019 à 10h51
Reims (AFP) - Nommé mercredi à la tête du parquet national financier, Jean-François Bohnert, 58 ans, jusqu’alors procureur général à Reims, présente un profil de magistrat européen, dont les pairs saluent « l’élégance » et le sens de « l’écoute ».
Magistrat de liaison en Allemagne de 1998 à 2003, représentant adjoint de la France auprès de l’unité de coopération judiciaire Eurojust à la Haye (Pays-Bas) de 2003 à 2007, M. Bohnert connaît bien la mécanique de ce qu’il nomme « la diplomatie judiciaire ». Une compétence utile quand la majorité des dossiers traités par le PNF sont aujourd’hui d’envergure internationale.
« En 2001, j’ai été au cœur des négociations qui ont permis d’extrader vers la France l’ex-numéro 2 d’Elf René Sirven, que l’Allemagne voulait garder lors de son escale à Francfort », rappelle ainsi cet hyperpolyglotte qui couramment six langues.
« Cela vient de ma famille », confie cet Alsacien. « Mon goût pour les langues m’a beaucoup aidé. Comme un trousseau de clefs pour ouvrir les portes de la confiance ».
Son CV international avait d’ailleurs déjà circulé pour le poste de premier procureur européen, finalement revenu à la Roumaine Laura Codruta Kosevi. Un poste auquel il aurait, reconnaît-il, « aimé accéder car le parquet européen est une vraie révolution. »
Mais « le PNF, c’est un autre projet qui s’inscrit dans la dynamique européenne, celle d’une approche technique et approfondie de la délinquance financière », ajoute celui qui est passé par les parquets de Strasbourg, Dijon, Bourges et Rouen, où il s’est « intéressé très tôt à la délinquance financière ».
Dans un bureau voisin, l’avocat général Jacques Louvier commente la promotion de son patron : « C’est un poste difficile avec beaucoup de chausse-trapes. Son profil le met en position de force pour affronter tout type de situation », dit-il.
- « Ne pas se coucher devant les pouvoirs » -
« Si je devais le définir », livre de son côté le procureur de Reims Matthieu Bourrette, « je dirais que c’est, en toute circonstance, un homme élégant : l’autorité sans l’autoritarisme, la sérénité sans la certitude ».
« C’est un homme qui sait donner le cap et fait confiance à ses collaborateurs, les laissant très libres tout en les accompagnant chaque fois que c’est nécessaire » ajoute-t-il.
Jacques Louvier complète le tableau : « c’est un homme d’humeur toujours égale, quoi qu’il arrive, quelqu’un qui écoute ».
« A Reims, je n’ai jamais été amené à donner un ordre au procureur », assure Jean-François Bohnert. « Mais en retour, in fine, c’est le chef qui prend la décision. Et sans faire retomber un éventuel échec sur ses collaborateurs ! La collégialité, c’est aussi la responsabilité ».
Un souci du dialogue qui passe aussi, selon Jean-François Bohnert, par le recours au plaider-coupable. « On s’en servira au PNF ! J’ai découvert dans ce dialogue le pouvoir de faire passer des messages aux prévenus beaucoup mieux qu’à l’audience ».
Le nouveau patron du PNF sait également que les temps ont changé. « Nous sommes observés par les citoyens, les juridictions internationales. On doit peser nos décisions, assurer nos arrières, sans se coucher devant les pouvoirs » professe-t-il.
Jean-François Bohnert s’affirme aussi humaniste. « Mon sujet, ce sont les femmes et les hommes que j’ai devant moi. Les faire exister en tant qu’êtres humains pour que la sanction soit comprise et acceptée », insiste-t-il. Une ligne de conduite qui sera scrutée pour l’un de ses premiers grands rendez-vous : le procès de Pénélope et François Fillon en février 2020.