Carla Del Ponte fait des adieux teintés de regrets au TPIY

Vendredi 14 décembre 2007

Europe

Carla Del Ponte fait des adieux teintés de regrets au TPIY

REUTERS | 13.12.2007 | 17:52

Par Emma Thomasson

LA HAYE (Reuters) - Carla Del Ponte a fait ses adieux au Tribunal pénal international de La Haye sur l’ex-Yougoslavie, en lançant un ultime appel à la communauté internationale pour qu’elle maintienne la pression sur Belgrade concernant les fugitifs les plus recherchés, notamment Ratko Mladic et Radovan Karadzic.

Del Ponte dit avoir fait beaucoup en huit ans en tant que procureur en chef du TPIY, mais elle se déclare peinée de partir sans qu’aient pu être arrêtés l’ex-chef de l’armée bosno-serbe et l’ancien président des Serbes de Bosnie pendant la guerre (1992-95).

« Le fait que Ratko Mladic et Radovan Karadzic soient toujours en fuite est une ombre au tableau, une ombre sur toutes les grandes réalisations », a-t-elle dit au cours de sa dernière conférence de presse avant de quitter son poste à la fin du mois, pour devenir ambassadrice de la Confédération helvétique en Argentine, pour trois ans.

Selon elle, Mladic, qui se cacherait en Serbie, ne sera jamais arrêté si l’Union européenne signe avant cela un accord permettant à la Serbie d’avancer dans son processus de candidature à l’Union européenne.

« Ma plus grande crainte, aujourd’hui, c’est que les questions politiques prennent le pas sur la justice internationale », a-t-elle dit, à propos des pressions exercées pour que la Serbie soit de quelque façon dédommagée de la proclamation d’indépendance de la province du Kosovo, attendue dans le courant du premier trimestre 2008.

Elle a toutefois dit avoir bon espoir que son successeur, le magistrat belge Serge Brammertz, pourchasse énergiquement Mladic et Karadzic, tout comme les autres Serbes inculpés par le TPIY et toujours en fuite. Le tribunal de La Haye, qui a condamné 53 accusés et en juge actuellement 50 autres, doit normalement conclure ses travaux dans les deux ans à venir.

« Le tribunal ne doit pas fermer ses portes tant que tous les fugitifs n’ont pas été traduits devant la justice », a prévenu Del Ponte.

"JE N’AI PAS DE VIE PRIVÉE« Figure marquante avec ses cheveux blond clair et ses lunettes à monture noire, Del Ponte s’est rendue à une vingtaine de reprises à Belgrade pour inciter la Serbie à livrer des suspects recherchés par le TPIY. Sa détermination, sa conduite lui ont valu là-bas le sobriquet de »nouvelle Gestapo".

Mais même en Serbie, Carla Del Ponte a joui d’un certain respect, notamment lorsque, l’été dernier, elle a présenté un rapport favorable qui a permis au pays de conclure un premier accord de rapprochement avec l’Union européenne.

Née en 1947 à Lugano, dans le Tessin, Carla Del Ponte est devenue juge d’instruction en 1981. Elle avait alors travaillé avec des juges anti-Mafia italiens comme Giovanni Falcone et a été elle-même la cible d’un attentat à la bombe en 1989.

Après la mort de Falcone dans un autre attentat, la magistrate suisse a pris des leçons de tir mais a juré de ne jamais porter d’arme à feu. En 1994, elle devint « procuratrice générale » de la Confédération helvétique. Celle que d’aucuns avaient surnommé « Carlita la pesta » pourchassa sans relâche les cartels de cocaïne et inculpa l’ancien Premier ministre pakistanais Benazir Bhutto pour blanchiment d’argent.

« Je n’ai pas de vie privée », a-t-elle déclaré naguère à un journal néerlandais. A d’autres journalistes, elle a confié ne pas être gênée le moins du monde par les mesures de sécurité très strictes l’entourant, parce que, disait-elle, « je n’ai pas de temps libre qui pourrait être gâché par des mesures de sécurité ».

Son style n’a pas toujours été du goût de tous. Geoffrey Nice, ancien procureur à la Haye, connu pour avoir eu des relations tendues avec Del Ponte a estimé un jour qu’elle avait tort de se mêler de politique. « Personne, que ce soit à La Haye ou à New York (siège de l’Onu) n’avait prise sur son travail ou sur son comportement », a déclaré Nice à un journal bosniaque.

Quant à Merdijana Sadovic, de l’IWPR (Institut pour la guerre et la paix) à Sarajevo, elle estime que Del Ponte aurait dû inculper davantage de responsables serbes, et pas seulement Milosevic, mais elle ne met pas en doute sa détermination. « Nous ignorons si son successeur aura la même passion », dit-elle.

version française Eric Faye

© REUTERS

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence REUTERS.

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