Agence France-Presse 21 juin 2024 à 10h07
Ils sont riches à milliards et accusés d’avoir exploité le personnel de leur villa des alentours de Genève. Quatre membres de la famille Hinduja - une des plus puissantes d’Inde et du Royaume-Uni - seront fixés sur leur sort vendredi devant la justice suisse.
Malgré un accord à l’amiable et secret passé en cours de procès avec les trois employés qui les poursuivaient, la justice genevoise n’a pas lâché l’affaire.
Le premier procureur Yves Bertossa a requis une peine privative de liberté de 5 ans et demi à l’encontre du père, Prakash Hinduja (78 ans) et de son épouse Kamal (75 ans).
Tous deux étaient absents depuis le début du procès pour des raisons de santé.
Le procureur a aussi réclamé quatre ans et demi de prison à l’encontre de leur fils Ajay (56 ans) et de leur belle-fille Namrata (50 ans).
Le jugement doit être rendu vendredi à 16H00 (14H00 GMT).
Deux visions du sort de ces employés se sont opposées frontalement sur les agissement de cette famille, classée la plus riche du Royaume-Uni par le Sunday Times cette année à 37 milliards de livres (48 milliards d’euros). Forbes estime leur fortune à 20 milliards de dollars.
Le conglomérat Hinduja est présent dans 38 pays et emploie quelque 200.000 personnes.
Dans son réquisitoire, Yves Bertossa avait accusé les prévenus d’avoir « fait tout cela pour économiser du fric », selon le compte-rendu d’audience de l’agence Keystone-ATS.
« Dans cette famille on dépense davantage pour le chien que pour les employés domestiques », avait-il lancé.
Le salaire du personnel domestique se situait entre 220 (230 euros) et 400 francs par mois, ce qui est très en-dessous de ce que peut espérer gagner un employé de maison en Suisse.
Yves Bertossa a aussi rappelé la « situation asymétrique » de ces employés.
Face à eux, il y avait la famille Hinduja, une des plus puissantes d’Inde : « on profite de la misère du monde », a-t-il lancé aux prévenus. Pour le procureur l’abus de vulnérabilité ne fait aucun doute.
- Réquisitoire assommoir -
Maître Yaël Hayat, qui représente Ajay Hinduja, a souligné qu’il est question de « justice, et non pas de justice sociale ».
Elle a dénoncé un réquisitoire « excessif », « aux allures d’assommoir », a rapporté Keystone-ATS.
Romain Jordan, qui défend la belle-fille Hinduja, a également plaidé l’acquittement. Pour lui le Ministère public vise à faire un exemple.
L’avocat a relevé des failles dans l’accusation qui a notamment passé sous silence des paiements en nature en plus des salaires en espèces.
Il y a eu des billets d’avion payés, de la nourriture végétarienne à disposition en suffisance, des produits sanitaires fournis ou des frais médicaux payés.
Selon la défense, les trois plaignants n’étaient pas isolés et pouvaient sortir de la villa.
La traite d’êtres humains est un délit gravissime, a rappelé Me Robert Assaël. Il implique que la victime soit traitée comme une marchandise vivante, a-t-il précisé. Or, rien de tel dans cette affaire, selon la défense. Les employés « étaient reconnaissants aux Hinduja de leur avoir offert une vie meilleure ».
« Mais aucun employé n’a été trompé sur le salaire », a souligné Me Assaël. Certains ont même demandé et obtenu des augmentations.
« Nous n’avons pas affaire à des esclaves maltraités », a renchéri Me Nicolas Jeandin.
La défense s’en est prise au comportement du Ministère public, l’accusant d’avoir voulu « se faire les Hinduja ».
Le dossier, selon elle, se résume à une affaire de rémunération. « Il s’agit d’un problème civil » qui a pu être réglé grâce « à une convention » conclue entre les parties.
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