Chypre et Grèce embarrassés par leurs investisseurs russes

Vendredi 11 mars 2022

International Guerre en Ukraine

Chypre et Grèce embarrassés par leurs investisseurs russes

Liés à la Russie par des relations économiques étroites, la Grèce et Chypre n’ont pourtant pas hésité à condamner l’offensive russe en Ukraine et à suivre les sanctions européennes prises à l’encontre de Moscou.

Par Marina Rafenberg (Athènes, correspondance) Publié hier à 15h00

L’offensive de la Russie en Ukraine a obligé les « frères orthodoxes », Chypre et Grèce, à revoir leur tolérance envers les investisseurs russes présents sur leur sol. Nicosie en particulier, au moment de la chute de l’URSS, a servi de refuge à des millionnaires venus de l’ex-empire soviétique. L’île de la Méditerranée orientale présentait de nombreux avantages fiscaux et a souvent été perçue comme une plaque tournante pour l’argent russe au sein de l’Union européenne (UE).

Depuis le début de la guerre, le 24 février, cette relation avec Moscou a dû être brusquement revue par Nicosie en dépit de profonds liens historiques. Contre toute attente, Chypre a condamné fermement l’agression contre l’Ukraine et voté avec les partenaires européens les sanctions contre Moscou. « Chypre est dans l’embarras. L’île a longtemps été perçue, en raison de ses liens avec la Russie, comme un partenaire peu fiable au sein de l’UE et elle veut changer cette image. Elle sait aussi qu’elle a besoin du soutien européen pour des négociations plus apaisées avec la Turquie afin de résoudre les problèmes avec la partie nord de l’île occupée », note Alexandros Zachariades, chercheur en relations internationales à la London School of Economics.

Dès 1974, Moscou s’était érigé en défenseur de la République chypriote à majorité grecque lors de l’invasion du nord de l’île par la Turquie. En 2011, le Kremlin avait octroyé à Nicosie une aide de 2,5 milliards d’euros alors que l’économie de l’île, membre de la zone euro depuis 2008, était en difficulté. De 2013 à 2020, Nicosie a aussi développé une politique dite des « passeports dorés » permettant à ceux qui investissent dans l’immobilier plus de 2,5 millions d’euros d’obtenir la nationalité chypriote. Quelque 4 000 passeports ont ainsi été délivrés. Selon une enquête d’Al-Jazeera datant d’août 2020, plus de 1 000 ressortissants russes en ont bénéficié, dont au moins neuf oligarques possédant chacun une fortune de plus de 1 milliard d’euros.

Oleg Deripaska, fondateur du géant de l’aluminium Rusal, soupçonné d’avoir interféré pour le pouvoir russe dans l’élection présidentielle américaine en 2016, avait obtenu la citoyenneté chypriote en 2017. Ce proche du président russe, Vladimir Poutine, n’a pas caché son inquiétude face aux récentes sanctions contre Moscou prises par l’UE : il nous faut « de vrais manageurs de crise » a-t-il déclaré.

Changer d’image

Après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, Chypre, sous pression américaine et européenne, avait commencé à faire le tri dans ces investisseurs. Depuis, dans le secteur financier, une diminution des actifs russes a été observée. Mais selon la banque centrale de Chypre, la Russie reste tout de même le premier investisseur étranger dans le pays : sur les 388 814 millions d’euros d’investissements étrangers directs, 101 962 millions proviennent de Russie. Lire la suite.

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