International Guerre en Ukraine
Guerre en Ukraine : les oligarques russes, avant-postes du système Poutine et nouvelles cibles des Occidentaux
Longtemps épargnés par les sanctions, les milliardaires proches du président russe sont désormais dans le viseur de l’Europe et des Etats-Unis pour leur soutien apporté au Kremlin.
Par Isabelle Mandraud Publié hier à 05h15, mis à jour hier à 07h59
C’est une date qu’ils n’oublieront pas de sitôt. Le 24 février en début de soirée, 40 oligarques russes prennent place sous les moulures bleues et or de l’ancien palais du Sénat, dans l’enceinte du Kremlin. Assis sur des chaises, les mains posées sur les genoux, ils font face, à plusieurs mètres de distance, au président russe Vladimir Poutine installé derrière un bureau, comme des élèves devant leur maître.
L’assemblée, exclusivement masculine, a succédé au Conseil de sécurité qui s’est tenu peu auparavant au même endroit, et dont la réunion, filmée, a montré des piliers du pouvoir – pourtant aguerris – tétanisés et bégayants. A leur tour, maintenant. Hébétés, les hommes d’affaires les plus riches du pays réalisent l’énormité de « l’opération militaire spéciale » déclenchée ce même jour en Ukraine par le chef du Kremlin : la guerre. « Même [Guennadi] Timtchenko ne le savait pas », souffle une source, encore sous le choc dix jours après.
L’oligarque Timtchenko, un proche de Vladimir Poutine, actif dans le secteur du gaz, entre autres, et dont la fortune était estimée à 22 milliards de dollars (20 milliards d’euros) en 2021 par le magazine Forbes, ne figure pas dans la salle. Mais d’autres poids lourds y sont, tels Alexeï Mordachov (29 milliards de dollars, acier et investissements), Vladimir Potanine (27 milliards de dollars, métaux et exploitation minière), Vagit Alekperov (25 milliards de dollars, pétrole) ou Piotr Aven (5,3 milliards de dollars, pétrole, banque et télécoms). Sont présents également les « étatistes » Alexeï Miller, patron du géant russe d’hydrocarbures Gazprom, et Igor Setchine, à la tête du deuxième plus gros producteur de pétrole du pays, Rosneft.
Devoir de « solidarité »
En leur nom, Alexandre Chokhine, président de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs, prend la parole. « Nous sommes bien conscients que les nouvelles sanctions seront beaucoup plus sévères que les restrictions précédentes, et qu’elles toucheront de nombreux secteurs, le secteur financier, les industries extractives et les fournitures d’équipements technologiques, énonce-t-il. Elles affecteront certains types de matières premières et de composants, et les chaînes d’approvisionnement ainsi que le transport et la logistique pourraient être perturbés. » Le chef du Kremlin se contente de rappeler ses interlocuteurs à leur devoir de « solidarité ».
Seule concession, un petit paquet de mesures adoptées en urgence, le lendemain, par le Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement russe, dont la levée de licences, la suspension du remboursement de certaines dettes ou la prolongation d’une amnistie sur le retour des capitaux détenus à l’étranger. Maigres consolations pour ceux qui voient s’abattre sur eux une volée de sanctions occidentales. Lire la suite.